Aldous Huxley, Retour au meilleur des mondes (1958), Ed. Pocket poche,
01/12/2020
"Si je devais réécrire maintenant ce livre, j'offrirais au Sauvage une troisième possibilité.
Entre les solutions utopienne et primitive de son dilemne, il y aurait la possibilité d'une existence saine d'esprit - possibilité déjà actualisée, dans une certaine mesure, chez une communauté d'exilés et de réfugiés qui auraient quittés Le Meilleur des Mondes et vivraient à l'intérieur des limites d'une réserve.
Dans cette communauté, l'économie serait décentraliste, à la Henry George, la politique serait kropotkinesque et coopérative. La science et la technique seraient utilisées comme si, tel le repos dominical, elles avaient été faites pour l'homme, et non (comme il en est à présent, et comme il en sera encore davantage dans le meilleur des mondes) comme si l'homme devait être adapté et asservi à elles. La religion serait la poursuite consciente et intelligente de la fin dernière de l'homme, la connaissance unitive du Tao ou Logos immanent, de la Divinité ou Brahman transcendant. Et la philosophie dominante de la vie serait une espèce d'Utilitarisme supérieur, dans lequel le principe du bohneur maximum serait subordonné au principe de la fin dernière - la première question qui se poserait et à laquelle il faudrait répondre, dans chacune des contingences de la vie, étant : Comment cette pensée ou cet acte contribueront-ils ou mettront-ils obstacles à la réalisation, par moi-même et par le plus grand nombre possible d'individus, à la fin dernière de l'homme ? "